Accueil Olivier Cizel, journaliste aux Éditions législatives, juriste en droit de l’environnement : “Il ne s’agit plus de protéger la nature mais de gérer la biodiversité”

Olivier Cizel, journaliste aux Éditions législatives, juriste en droit de l’environnement : “Il ne s’agit plus de protéger la nature mais de gérer la biodiversité”

La loi biodiversité est un texte touffu et hétéroclite. Une mise en perspective s’impose.

Pourquoi cette loi arrive-t-elle maintenant ?

Elle est liée au contexte écologique : tous les indicateurs, rythme de destruction des espaces naturels, pollutions qui pèsent sur la biodiversité, progression des espèces envahissantes, disparition d’espèces, sont au rouge. Par contre, cette loi n’a pas le même objectif que celle de 1976. À l’époque, il s’agissait de protéger la nature, le but est désormais de gérer la biodiversité. Cela entérine une nouvelle vision de la nature basée sur son utilisation. Le texte entend aussi créer une dynamique de reconquête de la biodiversité en partant de l’idée, erronée, que la protection est synonyme d’inertie. En fait, cette loi biodiversité avait été annoncée par François Hollande en septembre 2012. Mais son adoption a beaucoup traîné.

Pourquoi un tel retard ?

Il y a eu beaucoup d’oppositions. De nombreux parlementaires ont jugé que cela allait handicaper l’économie. Cas peu courant, la commission mixte paritaire, chargée de travailler sur les textes pour lesquels il y a des divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat, a interrompu ses travaux tant les désaccords étaient profonds. La loi a donc dû faire l’objet d’une nouvelle lecture dans chaque chambre avant son adoption par l’Assemblée nationale, ce qui est assez rare. Et tout a fini au Conseil constitutionnel : certains parlementaires l’ont en effet saisi, notamment sur l’interdiction des néonicotinoïdes – une classe de produits toxiques agissant sur le système nerveux des insectes et employés comme insecticides. NDLR – dès 2018, mais utilisables sur dérogation jusqu’en 2020. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs validé la plupart des dispositions de la loi dont celle-ci.

Que faut-il penser de la nouvelle Agence française de la biodiversité ?

Le projet remonte au Grenelle Environnement de 2007 et aurait dû aboutir en 2014. Cela a mis du temps à sortir ! L’Agence française de la biodiversité laisse beaucoup d’aspects de côté. Il aurait été logique d’y intégrer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et Réserves naturelles de France, par exemple. Je suis globalement déçu parce que je pense que les moyens financiers et humains de cette nouvelle agence sont trop limités. Mais elle va quand même dans le bon sens : l’agence aura un champ d’intervention large, avec notamment la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité, la gestion durable des eaux et tout ce qui touche à la police de l’eau, ainsi que la lutte contre la biopiraterie.

Plus généralement, quel est votre avis sur la loi ?

C’est un texte particulièrement touffu qui aborde de nombreux sujets et dont la lecture donne le tournis : il compte au final 174 articles alors que la loi de 1976 n’en comportait que 43. Il a le mérite de poser de nouveaux principes et même de donner, pour la première fois, une définition de la biodiversité. Au-delà, le volet opérationnel est très hétéroclite avec beaucoup de dispositions très éloignées de la biodiversité mais aussi de vraies avancées dans le domaine des mesures compensatoires et du préjudice écologique, notamment. Globalement, la loi affine de nombreux points sans ajouter de contraintes. Il faut sans doute lui laisser le temps avant de voir si elle va vraiment avoir des effets.