Accueil Bon état des eaux : L’école de la patience

Bon état des eaux : L’école de la patience

Le changement des règles d’évaluation du bon état a conduit au déclassement de certaines masses d’eau. Un résultat décevant au regard des actions engagées sur le territoire du SAGE Estuaire de la Loire.

Les derniers chiffres publiés par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne ont été pour certains une déception. Et pour cause : malgré la mobilisation des collectivités territoriales, le bon état des eaux est loin d’être atteint. Sur le bassin Loire aval et côtiers vendéens, qui englobe les 3 855 km2 du SAGE Estuaire de la Loire, 4 % seulement des masses d’eau cours d’eau sont en bon état. Une baisse de 9 points par rapport à 2009 qui s’explique par un changement des règles du jeu – voir interview – mais pas seulement.
“En termes d’analyse, nous n’avons pas le même degré d’avancement sur l’ensemble des masses d’eau du SAGE, explique Jean-Louis Rivoal, directeur de la délégation Maine-Loire-Océan de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. Nous disposons depuis longtemps de beaucoup d’informations sur les cours d’eau et les plans d’eau, nous en avons donc une vision très fine. Par contre, nous n’avons pas autant de données sur les masses d’eau de transition et côtières. Et le degré de définition des paramètres n’est pas aussi avancé.” Pour les masses d’eau de transition par exemple, les indicateurs physico-chimiques ne sont pas tous arrêtés.

Cours d’eau : trop d’aménagements

Intéressons-nous aux masses d’eau cours d’eau. “Leur qualité sur le SAGE Estuaire de la Loire est effectivement médiocre, reprend Jean-Louis Rivoal. Cela dit, l’état est stable, il n’y a pas de dégradation.” Les paramètres biologiques en sont le reflet. La cause : une hydrologie défavorable et de nombreux aménagements réalisés dans le passé. Sur le plan physico-chimique, c’est l’oxygène qui est pénalisant. “C’est également lié à l’hydrologie, mais aussi à la pression anthropique et aux rejets. On constate également un problème de phosphore. Mais les choses s’améliorent, notamment grâce aux progrès réalisés par les collectivités en termes d’assainissement.” Même si la vigilance s’impose, il y a moins de souci avec les nitrates sur le territoire. Les seuils ne sont dépassés que rarement. “Même si ce n’est pas un paramètre pris en compte par la directive-cadre sur l’eau (DCE), nous avons également des problèmes avec les phytosanitaires sur le territoire du SAGE. Heureusement, les collectivités ont fait beaucoup d’efforts et les actions développées, notamment avec les agriculteurs, dans le cadre des contrats territoriaux permettent aussi de limiter leur usage. Actuellement, il y a d’ailleurs un travail spécifique entrepris sur le vignoble”, souligne le directeur de la délégation Maine-Loire-Océan.

Estuaire : peut mieux faire

Pour les masses d’eau de transition, la partie estuarienne du SAGE, l’état est qualifié de moyen. C’est ici le paramètre poissons qui est en cause. Un estuaire est en effet une zone de nourricerie pour beaucoup d’espèces, ce qui induit la présence d’une grande variété de poissons. “Dans l’estuaire de la Loire, la richesse piscicole diminue, tout comme le nombre d’individus. Ceci est lié aux aménagements ainsi qu’à à la diminution du nombre et de la surface de vasières. C’est pourquoi le SDAGE a demandé au SAGE d’intégrer un plan d’actions pour rétablir ces fonctionnalités.” L’oxygène est un autre sujet de préoccupation : “La métrique de mesure de la DCE est limitée, mais nous disposons des données du réseau Syvel – Système de veille de l’estuaire de la Loire. Elles montrent une variabilité importante liée au fonctionnement du bouchon vaseux. Là aussi, il faut travailler”. Toujours en matière de masses d’eau de transition, certains paramètres sont en cours de définition dans la DCE. C’est notamment le cas pour les invertébrés benthiques.

Côtes : pas si mal

Pour leur part, les masses d’eau côtières sont plutôt de bonne qualité, sauf sur le plan chimique avec des déclassements liés à la présence d’hydrocarbures. “Cela peut surprendre, mais le phénomène de dilution est très important, précise Jean-Louis Rivoal. Au large, il n’y a aucun problème d’oxygène, du fait des marées et de l’ampleur du système côtier. De même pour la turbidité : on n’a pas les soucis liés au bouchon vaseux comme dans l’estuaire. Il faut toutefois avoir un œil sur les algues vertes. Sur les phytosanitaires également, car la situation est bonne à moyenne mais il peut y avoir des poussées à certaines époques.” Dernier aspect à avoir en tête pour les masses d’eau côtières, même si cela ne dépend pas de la DCE, la dégradation de zones de pêche à pied professionnelle en termes de qualité microbiologique. “Ceci est lié aux rejets de proximité, au ruissellement, à l’agriculture… Il y a un chantier à engager pour comprendre : établir le profil de vulnérabilité, faire le diagnostic et mettre les actions en œuvre.”

“Ça va finir par payer !”

Il reste que l’affichage des derniers chiffres et le déclassement de certaines masses d’eau peuvent sembler décevants au regard des actions déjà entreprises sur le territoire du SAGE Estuaire de la Loire. Jean-Louis Rivoal tempère ce sentiment : “Depuis 2010, la situation est globalement stable. Il y a même du mieux en ce qui concerne les phosphates. Il faut bien comprendre que de nombreuses années seront nécessaires avant que les programmes engagés aient des effets sur le plan de la biologie. Ce sont des systèmes avec de fortes résiliences. Par contre, on ne peut que se féliciter de la forte implication générale sur les enjeux au travers des contrats territoriaux notamment. Ça va finir par payer !” Progrès sur le phosphore, améliorations attendues sur les phytosanitaires, bonne tenue sur l’azote et les nitrates même s’il faut rester vigilant sur les algues vertes, bactériologie à surveiller… “La méthode qui consiste à tout déclasser si un seul élément est mauvais peut masquer des progrès sur certains aspects. Même si l’on ne peut pas dire que la qualité est bonne, il faut être optimiste. Les effets ne peuvent pas être immédiats mais le travail et les démarches engagées vont dans le bon sens. La politique de l’eau, c’est d’abord de la persévérance…”

Voir l’interview d’Édouard Onno

Voir Qu’est-ce qu’une masse d’eau ?