Accueil Loi biodiversité : Quels impacts sur l’aménagement du territoire ?

Loi biodiversité : Quels impacts sur l’aménagement du territoire ?

Adoptée durant l’été après bien des vicissitudes, la nouvelle loi sur la biodiversité rebat un certain nombre de cartes, notamment en matière d’aménagement du territoire. Analyse.

“Le cadre, jusqu’ici, c’était la loi de 1976 sur la protection de la nature. Elle avait été très bien faite mais il devenait urgent de la faire évoluer”, remarque Xavier Hindermeyer, chef du service ressources naturelles et paysages de la Dreal Pays de la Loire. À la différence de sa devancière, la loi biodiversité de 2016 a toutefois été loin de faire consensus. Fruit de multiples compromis, son premier mérite est de poser un certain nombre de définitions. “Et sans doute de placer la biodiversité au cœur des politiques publiques”, reprend Xavier Hindermeyer.

Plus précis sur les compensations

L’une des nouveautés marquantes du texte touche à la séquence éviter-réduire-compenser, pour laquelle on devait jusqu’ici se contenter de la doctrine et de lignes directrices nationales. La loi donne désormais à cette notion importante une existence législative et en profite pour la renforcer. “La compensation doit maintenant viser au moins zéro perte de biodiversité, voire un gain. Elle est aussi soumise à une obligation de résultat et non plus de moyens”, insiste le chef de service. On ne se contentera donc plus de s’assurer que les travaux ont été faits. On vérifiera au contraire quels sont les effets sur la biodiversité.

Suivi dans la durée

En outre, la compensation s’assortit désormais de principes d’équivalence écologique, de proximité géographique, de pérennité des mesures… “La loi donne aussi des pouvoirs de contrôle plus importants aux services instructeurs. Cela peut même aller jusqu’à l’exécution de mesures d’office. Nous allons être amenés à suivre les dossiers sur la durée”, poursuit Xavier Hindermeyer. Par contre, il est difficile dans l’immédiat de se prononcer sur les opérateurs et les sites naturels de compensation. Ces mesures décriées ouvrent la voie à une forme de marchandisation de la compensation écologique. “À nous de veiller à la bonne mise en œuvre de ce dispositif. Cela doit être bien encadré”, reconnaît Xavier Hindermeyer. L’idée a tout de même le mérite d’ouvrir des solutions innovantes aux porteurs de projets.

Travail en amont

“Ce n’est pas une loi sur l’aménagement du territoire”, souligne Xavier Hindermeyer. Si le texte n’est pas fait pour simplifier la tâche des aménageurs, il va permettre de prévenir les mauvaises surprises. “Jusqu’ici, il y avait toujours des interprétations possibles. Désormais, tout est plus précis”, insiste le chef de service. La façon d’aborder les dossiers devrait donc évoluer : “Cela implique un travail plus en amont pour les porteurs de projets. Ils devront sans doute mieux préparer et davantage échanger avec les services instructeurs. Il ne s’agit pas de pré-instruire mais d’éviter des allers et retours inutiles.” Une logique dans l’air du temps, comme le montre par exemple l’autorisation unique environnementale, à la fois plus simple mais aussi plus exigeante pour le porteur de projet puisqu’un élément mal préparé peut coincer tout le dossier.

Réunions thématiques

Par contre, il est encore un peu tôt pour savoir ce que la loi va changer pour les services instructeurs. “Beaucoup de choses doivent être précisées dans les décrets d’application : on en attend entre 30 et 40. La ministre a promis qu’ils sortiraient rapidement. Ce serait d’ailleurs plus confortable pour tout le monde. Ensuite, tout pourra s’affiner avec les contentieux et la jurisprudence.” Pour aider tous les intéressés à prendre la mesure du nouveau texte, la Dreal prévoit d’organiser des réunions d’information thématiques, en commençant par le volet éviter-réduire-compenser, le plus attendu. Xavier Hindermeyer se montre optimiste : “Les porteurs de projets ne seront pas surpris. Les études d’impact sont bien plus sérieuses aujourd’hui, il y a eu beaucoup d’avancées dans ce domaine. Le message à faire passer désormais est de bien intégrer les suivis. Parallèlement, notre rôle va évoluer. Nous allons nous attacher à guider les porteurs de projets : il ne s’agit pas de faire à leur place mais de les conseiller, avec nos retours d’expérience, sur les meilleures pistes à suivre.”